CELEX:62024CO0336: Ordonanța președintelui Camerei a opta a Curții din 22 noiembrie 2024.#„SINHRON INVEST“ EOOD împotriva Sofiyska gradska prokuratura.#Cerere de decizie preliminară formulată de Sofiyski gradski sad.#Cauza C-336/24.
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Redacția Lex24 |
Publicat in Repertoriu EUR-Lex, CJUE: Decizii, 03/12/2024 |
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Informatii
Data documentului: 22/11/2024Emitent: CJCE
Formă: Repertoriu EUR-Lex
Formă: CJUE: Decizii
Stat sau organizație la originea cererii: Bulgaria
Procedura
Tribunal naţional: *A9* Sofiyski gradski sad, Opredelenie ot 03/05/2024 (1291398)ORDONNANCE DE LA COUR (huitième chambre)
22 novembre 2024 (*)
« Renvoi préjudiciel – Article 99 du règlement de procédure de la Cour – Questions préjudicielles identiques à des questions sur lesquelles la Cour a déjà statué – Article 48 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne – Présomption d’innocence et droits de la défense – Infliction d’une sanction pénale à une personne morale pour une infraction relative à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) commise par le représentant de cette personne morale – Procédure pénale parallèle non clôturée contre ce représentant »
Dans l’affaire C‑336/24,
ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Sofiyski gradski sad (tribunal de la ville de Sofia, Bulgarie), par décision du 28 février 2022, parvenue à la Cour le 3 mai 2024, dans la procédure pénale contre
« SINHRON INVEST » EOOD
en présence de :
Sofiyska gradska prokuratura,
LA COUR (huitième chambre),
composée de M. S. Rodin, président de chambre, M. C. Lycourgos (rapporteur), président de la troisième chambre, et M. N. Fenger, juge,
avocat général : M. R. Norkus,
greffier : M. A. Calot Escobar,
vu la décision prise, l’avocat général entendu, de statuer par voie d’ordonnance motivée, conformément à l’article 99 du règlement de procédure de la Cour,
rend la présente
Ordonnance
1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 4 et 5 de la décision-cadre 2005/212/JAI du Conseil, du 24 février 2005, relative à la confiscation des produits, des instruments et des biens en rapport avec le crime (JO 2005, L 68, p. 49), ainsi que de l’article 49 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »).
2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’une procédure engagée contre « SINHRON INVEST » EOOD (ci-après « Sinhron Invest »), société de droit bulgare, aux fins de l’imposition d’une sanction pécuniaire à cette société en raison d’une infraction pénale relative à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) reprochée à sa gérante et représentante.
Le cadre juridique
Le Zann
3 Le zakon za administrativnite narushenia i nakazania (loi sur les infractions et les sanctions administratives, DV no 92, du 28 novembre 1969), dans sa version applicable aux faits au principal (ci-après le « Zann »), comprend un chapitre 4, intitulé « Sanctions administratives à caractère pénal à l’encontre des personnes morales et des entrepreneurs individuels », dans lequel figurent, notamment, les articles 83, 83a, 83b et 83d de cette loi.
4 L’article 83 de cette loi dispose :
« (1) Dans les cas prévus par la loi, le décret, l’arrêté du conseil des ministres ou l’arrêté municipal pertinents, une sanction pécuniaire peut être infligée aux personnes morales et aux entrepreneurs individuels pour avoir manqué à leurs obligations envers l’État ou la municipalité dans l’exercice de leur activité.
(2) La sanction visée au paragraphe précédent est infligée suivant les modalités prévues par la présente loi, lorsque l’acte normatif correspondant n’en dispose pas autrement. »
5 L’article 83a, paragraphes 1, 3 et 4, de ladite loi prévoit :
« (1) Toute personne morale qui s’est enrichie ou qui est susceptible de s’enrichir à la suite d’une infraction au titre de l’article 255 du code pénal, de toute infraction visée aux articles 255, 255a, 255b, 256 du code pénal, ainsi que de toute infraction commise, pour le compte ou à l’initiative d’un groupe criminel organisé, par :
1. une personne ayant le pouvoir d’engager la personne morale ;
2. une personne représentant la personne morale ;
3. une personne élue à un organe de contrôle ou de surveillance de la personne morale, ou
4. un travailleur ou un employé à qui la personne morale a attribué une tâche particulière, lorsque l’infraction a été commise dans l’exercice ou à l’occasion de cette tâche,
est punie d’une sanction pécuniaire au moins égale à la valeur de l’avantage, jusqu’à un maximum de 1 000 000 [leva bulgares (BGN), environ 511 000 euros], lorsqu’il s’agit d’un avantage patrimonial […]
[…]
(3) La sanction pécuniaire est infligée à la personne morale même lorsque les personnes visées au paragraphe 1, points 1, 2 et 3, ont incité aux infractions indiquées ou bien en ont été complices, ainsi que lorsque l’infraction n’a pas dépassé le stade de la tentative.
(4) La sanction pécuniaire est infligée, indépendamment de l’engagement effectif de la responsabilité pénale des personnes ayant participé à l’infraction visée au paragraphe 1. »
6 Aux termes de l’article 83b, paragraphe 1, de la même loi :
« La procédure visée à l’article 83а est engagée, sur proposition motivée du procureur compétent pour examiner l’affaire ou le dossier relatif à l’infraction en cause, devant l’Okrazhen sad [(tribunal régional, Bulgarie)] du lieu du siège de la personne morale, et, dans les cas visés à l’article 83а, paragraphe 2, devant le Sofiyski gradski sad [(tribunal de la ville de Sofia, Bulgarie)] :
1. après le dépôt devant le tribunal de l’acte d’accusation, de l’ordonnance proposant d’exonérer l’auteur de l’infraction de la responsabilité pénale et de lui infliger une sanction administrative, ou de l’accord de négociation de peine ;
[…] »
7 L’article 83d, paragraphes 2, 5 et 6, du Zann énonce :
« (2) Le tribunal, siégeant en formation à juge unique, examine la proposition en audience publique à laquelle le ministère public prend part et la personne morale est convoquée.
[…]
(5) Le tribunal examine l’affaire et, sur la base des éléments de preuve recueillis, apprécie :
1. si la personne morale en cause a obtenu un avantage illicite ;
2. s’il existe un lien entre l’auteur de l’infraction et la personne morale ;
3. s’il existe un lien entre l’infraction et l’avantage obtenu par la personne morale ;
4. quelles sont la nature et la valeur de l’avantage, si ce dernier est patrimonial.
(6) le tribunal statue au moyen d’une décision par laquelle :
1. il inflige une sanction pécuniaire ; [ou]
2. il refuse d’infliger une sanction pécuniaire. »
Le code pénal
8 L’article 255, paragraphes 1 et 3, du Nakazatelen kodeks (code pénal) dispose :
« (1) Quiconque évite la fixation ou le paiement de dettes fiscales de montants élevés, en ce qu’il :
[…]
2. fournit des informations mensongères ou dissimule la vérité dans la déclaration qu’il a introduite,
[…]
6. établit ou utilise, dans l’exercice d’une activité économique, dans la tenue d’une comptabilité ou lors de la présentation d’informations aux services fiscaux ou aux agents publics chargés de l’exécution, un document dont le contenu est mensonger, un document non authentique ou un document falsifié,
7. déduit indument la taxe payée en amont,
[…] est puni d’une peine d’emprisonnement d’un à six ans et d’une amende allant jusqu’à 2 000 [BGN] [environ 1 000 euros].
[…]
(3) Lorsque la dette fiscale est d’un montant particulièrement élevé, la sanction est une peine d’emprisonnement de trois à huit ans et la confiscation de tout ou partie du patrimoine du coupable. »
Le litige au principal et les questions préjudicielles
9 DE a fait l’objet d’un acte de mise en accusation devant le Spetsializiran nakazatelen sad (tribunal pénal spécialisé, Bulgarie) pour ne pas avoir procédé, en sa qualité de gérante et de représentante de Sinhron Invest, pour la période allant du 13 août 2014 au 13 février 2015, à la fixation et au paiement de la TVA due d’un montant de 95 159,34 BGN (environ 48 000 euros), en infraction avec l’article 255, paragraphe 3, du code pénal, lu en combinaison avec l’article 255, paragraphe 1, points 2, 6 et 7, de celui-ci. Selon la juridiction de renvoi, cette procédure pénale était pendante à la date d’introduction de la demande de décision préjudicielle dans la présente affaire.
10 Le 28 juin 2021, la Spetsializirana prokuratura (parquet spécialisé, Bulgarie) a proposé au Sofiyski gradski sad (tribunal de la ville de Sofia), dans le cadre d’une procédure distincte, que soit infligée une sanction pécuniaire à Sinhron Invest, sur le fondement des articles 83a et suivants du Zann, au motif que cette société aurait perçu un avantage patrimonial tiré de l’infraction supposément commise par DE.
11 Cette juridiction nourrit des doutes quant à la conformité à la décision-cadre 2005/212 ainsi qu’au principe de légalité des délits et des peines, consacré à l’article 49 de la Charte, des articles 83a et suivants du Zann, en ce qu’ils permettent au juge pénal d’infliger à une personne morale une sanction pécuniaire en raison d’une infraction faisant l’objet d’une procédure pénale parallèle ouverte contre une personne physique, en sa qualité de gérante et de représentante de cette personne morale, et qui n’a pas encore été définitivement clôturée.
12 Dans ces conditions, le Sofiyski gradski sad (tribunal de la ville de Sofia) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :
« 1) Convient-il d’interpréter les articles 4 et 5 de la décision-cadre [2005/212] ainsi que l’article 49 de la [Charte] en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à une réglementation d’un État membre, en vertu de laquelle le juge national peut, dans une procédure comme celle au principal – à savoir la procédure de sanction administrative no 2541/12 devant le Sofiyski gradski sad (tribunal de la ville de Sofia), section pénale, 4e chambre – infliger à une personne morale une sanction pour une infraction concrète, dont la commission n’a pas encore été établie puisqu’elle fait l’objet d’une procédure pénale parallèle non encore définitivement clôturée – en l’espèce l’affaire pénale de droit commun no 3210/2020 devant le Spetsializiran nakazatelen sad (tribunal pénal spécialisé), dans laquelle DE (en sa qualité de représentante de [Sinhron Invest]) est poursuivie pour l’infraction visée à l’article 255, paragraphe 3, du code pénal, lu en combinaison avec l’article 255, paragraphe 1, point 2, première alternative et points 6 et 7, ainsi qu’avec l’article 20, paragraphe 2, et l’article 26, paragraphe 1, de ce même code ?
2) Convient-il d’interpréter les articles 4 et 5 de la décision-cadre [2005/212] ainsi que l’article 49 de la [Charte] en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à une réglementation d’un État membre, en vertu de laquelle le juge national peut, dans une procédure comme celle au principal – à savoir la procédure de sanction administrative no 2541/12 devant le Sofiyski gradski sad (tribunal de la ville de Sofia), section pénale, 4e chambre – infliger à une personne morale une sanction en fixant comme montant de cette sanction la valeur de l’avantage qui pourrait être tiré d’une infraction concrète, dont la commission n’a pas encore été établie puisqu’elle fait l’objet d’une procédure pénale parallèle non encore définitivement clôturée – en l’espèce l’affaire pénale de droit commun no 3210/2020 devant le Spetsializiran nakazatelen sad (tribunal pénal spécialisé), dans laquelle DE (en sa qualité de représentante de [Sinhron Invest]) est poursuivie pour l’infraction visée à l’article 255, paragraphe 3, du code pénal, lu en combinaison avec l’article 255, paragraphe 1, point 2, première alternative et points 6 et 7, ainsi qu’avec l’article 20, paragraphe 2, et l’article 26, paragraphe 1, de ce même code ? »
Sur les questions préjudicielles
13 En vertu de l’article 99 de son règlement de procédure, la Cour peut à tout moment, sur proposition du juge rapporteur, l’avocat général entendu, décider de statuer par voie d’ordonnance motivée lorsqu’une question posée à titre préjudiciel est identique à une question sur laquelle la Cour a déjà statué.
14 Il y a lieu de faire application de cette disposition dans la présente affaire.
15 En effet, les questions posées dans cette affaire sont, nonobstant quelques différences de rédaction mineures concernant le litige au principal, identiques aux questions sur lesquelles la Cour a déjà statué dans son arrêt du 10 novembre 2022, DELTA STROY 2003 (C‑203/21, EU:C:2022:865, point 27).
16 Dans cet arrêt, la Cour, après avoir écarté l’applicabilité de la décision-cadre 2005/212 et reformulé la première question, a jugé que l’article 48 de la Charte doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation nationale en vertu de laquelle le juge national peut infliger à une personne morale une sanction pénale pour une infraction dont serait responsable une personne physique qui a le pouvoir d’engager ou de représenter cette personne morale, dans le cas où cette dernière n’a pas été mise en mesure de contester la réalité de cette infraction (arrêt du 10 novembre 2022, DELTA STROY 2003, C‑203/21, EU:C:2022:865, point 67 et dispositif).
17 Par ailleurs, ainsi que la Cour l’a jugé dans ledit arrêt, eu égard à la réponse à la première question, il n’y a pas lieu de répondre à la seconde question (arrêt du 10 novembre 2022, DELTA STROY 2003, C‑203/21, EU:C:2022:865, point 68).
18 Enfin, il importe de rappeler que, conformément à une jurisprudence constante de la Cour, l’interprétation que, dans l’exercice de la compétence que lui confère l’article 267 TFUE, celle-ci donne d’une règle du droit de l’Union éclaire et précise, lorsque besoin en est, la signification et la portée de cette règle, telle qu’elle doit ou aurait dû être comprise et appliquée depuis le moment de sa mise en vigueur. En d’autres termes, un arrêt préjudiciel a une valeur non pas constitutive, mais purement déclarative. Ainsi, lorsque la jurisprudence de la Cour a apporté une réponse claire à une question portant sur l’interprétation du droit de l’Union, le juge national doit faire tout le nécessaire pour que cette interprétation soit mise en œuvre (voir, en ce sens, arrêt du 10 mars 2022, Grossmania, C‑177/20, EU:C:2022:175, points 41 et 42).
Sur les dépens
19 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.
Par ces motifs, la Cour (huitième chambre) dit pour droit :
La réponse aux questions posées à titre préjudiciel par le Sofiyski gradski sad (tribunal de la ville de Sofia, Bulgarie), par décision du 28 février 2022, figure dans l’arrêt du 10 novembre 2022, DELTA STROY 2003(C‑203/21, EU:C:2022:865, points 67 et 68 ainsi que dispositif).
Signatures
* Langue de procédure : le bulgare.